NOTE TECHNIQUE ET INFORMATIVE

Cette obligation pèse sur les parents à l’égard de leurs jeunes enfants. Elle découle du lien de filiation. Elle a le caractère d’une obligation alimentaire, dont elle diffère toutefois par son objet et son but qui sont plus larges puisqu’il s’agit d’assurer des moyens de subsistance à l’enfant mais encore de pourvoir à son éducation, à sa formation, et de préparer son avenir. Elle en diffère encore par le fait que les personnes qui peuvent y prétendre sont seulement les enfants, tant qu’ils n’ont pas acquis leur indépendance, et que les débiteurs de cette obligation sont les seuls parents de l’enfant, responsables de son éducation.

1/ Les sources de l’obligation :

Article 203 du code civil : « les époux contractent ensemble, par le seul fait du mariage, l’obligation de nourrir, entretenir et élever leurs enfants »

Article 204 : « l’enfant n’a pas d’action contre ses pères et mère pour un établissement par mariage ou autrement ».

Article 371-2 ( issu de la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 sur l’autorité parentale ) : « chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que des besoins de l’enfant.
Cette obligation ne cesse pas de plein droit lorsque l’enfant est majeur. »

A noter qu’il n’existait pas, avant le 4 mars 2002, de texte prévoyant l’obligation d’entretien pour les enfants naturels. Nul ne contestait toutefois que son bénéfice soit acquis à ces derniers comme une conséquence nécessaire du rapport de filiation. Le nouvel article 371-2, par sa portée générale, répare cette omission et s’applique à tous les enfants, quelle que soit la nature de leur filiation.

Article 373-2-2 : « En cas de séparation entre les parents, ou entre ceux-ci et l’enfant, la contribution à son entretien et à son éducation prend la forme d’une pension alimentaire versée, selon le cas, par l’un des parents à l’autre, ou à la personne à laquelle l’enfant a été confié.
Les modalités et les garanties de cette pension alimentaire sont fixées par la convention homologuée visée à l’article 373-2-7 ou, à défaut, par le juge.
Cette pension peut en tout ou partie prendre la forme d’une prise en charge directe des frais exposés au profit de l’enfant.
Elle peut être en tout ou partie servie sous forme d’un droit d’usage et d’habitation. ».

Article 373-2-3 : «  lorsque la consistance des biens du débiteur s’y prête, la pension alimentaire peut être remplacée, en tout ou partie, sous les modalités et garanties prévues par la convention homologuée, ou par le juge, par le versement d’une somme d’argent entre les mains d’un organisme accrédité chargé d’accorder en contrepartie à l’enfant une rente indexée, l’abandon de biens en usufruit ou l’affectation de biens productifs de revenus. »

Article 373-2-4 : «  l’attribution d’un complément, notamment sous la forme de pension alimentaire, peut, s’il y a lieu, être demandée ultérieurement ».

Article 373-2-5 : «  le parent qui assume à titre principal la charge d’un enfant majeur qui ne peut lui-même subvenir à ses besoins peut demander à l’autre parent de lui verser une contribution à son entretien et à son éducation. Le juge peut décider ou les parents convenir que cette contribution sera versée en tout ou partie entre les mains de l’enfant ».

Pour mémoire rappel des termes de l’ancien article 295 abrogé par la loi du 4 mars 2002 : « le parent qui assume à titre principal la charge d’enfants majeurs qui ne peuvent eux-mêmes subvenir à leurs besoins, peut demander à son conjoint de lui verser une contribution à leur entretien et leur éducation »

Article 373-2-7 : « les parents peuvent saisir le juge aux affaires familiales afin de faire homologuer la convention par laquelle ils organisent les modalités d’exercice de l’autorité parentale et fixent la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant.
Le juge homologue la convention sauf s’il constate qu’elle ne préserve pas suffisamment l’intérêt de l’enfant ou que le consentement des parents n’a pas été donné librement ».

2/ les débiteurs de l’obligation :

Ce sont les parents de l’enfant, qu’il s’agisse des parents légitimes, ou adoptifs, ou des parents naturels.
Par parents naturels il faut entendre ceux que désigne un rapport de filiation légalement établi ( reconnaissance volontaire, déclaration judiciaire de paternité…)

L’obligation pèse sur chacun des parents, qu’ils vivent ensemble ou de manière séparée.

En cas de séparation se pose la question des modalités de mise en œuvre de l’obligation. En effet lorsqu’il y a cohabitation l’obligation s’exécute en nature ce qui ne peut plus être le cas, au moins pour partie, lorsque les parents vivent de manière séparée. Dans cette dernière hypothèse il sera nécessaire de procéder à une répartition de la charge financière correspondant à cette exécution.

Les grands-parents ne sont pas tenus de l’obligation d’entretien. Il convient toutefois de rappeler qu’ils restent tenus d’une obligation alimentaire fondée sur les articles 205 et 207 du code civil ce qui signifie qu’en cas de défaillance totale ou partielle des parents dans l’exécution de leur obligation d’entretien, l’enfant pourra réclamer des aliments à ses grands-parents, à titre subsidiaire ou complémentaire. Cependant il est admis que les grands-parents ne pourront être tenus au-delà du devoir alimentaire ( nourriture et soins ) et qu’on ne pourra pas mettre à leur charge les frais d’éducation et d’instruction.

3/ le(s) créancier(s) de l’obligation :

– Chaque enfant mineur : cet enfant est, en raison de son age, présumé dans le besoin. Il faut cependant réserver le cas d’un enfant qui serait titulaire d’un patrimoine personnel suffisant pour que les revenus de ses biens permettent le financement de son entretien, frais de scolarité compris. Tel est le cas lorsqu’un enfant a hérité personnellement de biens, ou lorsqu’un enfant, victime d’un accident, a reçu d’importantes réparations. Dans de telles occurrences les parents sont chargés de gérer ces biens, le cas échéant sous le contrôle du juge des tutelles, et ils pourront employer les revenus de ce patrimoine pour financer l’entretien et l’éducation de l’enfant. Tout ce qui pourrait excéder les revenus personnels du mineur devra , en revanche, rester à la charge des parents.

– les enfants majeurs qui n’ont pas encore accédé à une autonomie : L’obligation d’entretien ne prend pas nécessairement fin à la majorité de l’enfant et elle se trouve prolongée tant que celui-ci poursuit ses études, dans la mesure où les exigences de ces dernières l’empêchent de travailler et de pourvoir à sa subsistance, ou, ses études finies, tant qu’il ne parvient pas à trouver un premier emploi, ou, encore, tant qu’un état de santé déficient l’empêche, de manière momentanée ou définitive, d’en occuper un.
Il existe donc une présomption de non-autonomie, mais elle est susceptible d’être renversée par une preuve contraire.

En effet les études poursuivies doivent tendre à l’acquisition d’une qualification et présenter un caractère sérieux, avec des chances raisonnables de succès. Un débiteur sera donc admis à démonter que tel n’est pas le cas lorsque les études invoquées sont sans portée, suivies de manière lacunaire, sans aucune assiduité ni chance quelconque de succès. Illustration : soit un étudiant qui, après avoir échoué deux fois aux examens de première année dans une filière, s’est inscrit dans une nouvelle filière ou il a échoué de semblable manière et qui prétend, désormais, entreprendre un nouveau cursus dans une autre voie…
Autre illustration tirée de la citation d’un « attendu » de cour d’appel : « les éléments du dossier démontrent que le fils, en situation d’échec scolaire prolongé, a dès avant sa majorité entendu vivre en pleine indépendance ; eu égard à son age, à son absence de projet professionnel précis et sérieux , à ses capacités scolaires réduites même dans la matière choisie, à sa volonté réitérée de ne pas établir de relations avec son père, il convient qu’il assume seul l’indépendance qu’il a choisie. ».
On voit ainsi que les juges peuvent, à cette occasion, tenir compte de l’appréciation qu’ils portent sur le contexte psychologique d’un dossier ; Dans l’exemple précédent cette appréciation n’a pas été favorable à l’enfant majeur, mais on pourrait imaginer d’autres cas dans lesquels il serait au contraire accordé à l’enfant une nouvelle chance pour tenir compte des perturbations qu’il a subies en raison de la crise familiale dont il n’est pas responsable.

Il sera rappelé qu’à la différence de l’obligation alimentaire de droit commun, le débiteur ( le parent) ne peut se prévaloir de l’indignité du créancier à son égard pour lui refuser l’exécution de l’obligation d’entretien et d’éducation. Ceci s’explique sans doute par la circonstance que cette indignité est considérée comme la conséquence d’une défaillance antérieure du parent dans l’exécution de son devoir d’éducation, si bien qu’admettre cette exception d’indignité reviendrait, d’une certaine manière, à permettre au débiteur de se prévaloir de sa propre défaillance !

4/ l’objet de l’obligation :

Les parents doivent assurer la satisfaction des besoins essentiels de l’enfant à savoir la nourriture, la vêture, le logement et les soins médicaux.

Ils doivent également assurer l’éducation de l’enfant, au sens général du terme («  l’élever » ), et pourvoir à sa formation intellectuelle, ce qui s’entend de la scolarité et des études à suivre pour qu’il accède à l’indépendance financière par l’exercice d’une profession.

L’obligation s’exécute normalement en nature et par la prise en charge, au jour le jour, des dépenses nécessaires.

Toutefois ces prestations doivent être chiffrées et forfaitisées lorsque les débiteurs de l’obligation vivent de manière séparée de sorte que l’un des deux l’exécute à titre principal et que se pose la question du versement, par l’autre, d’une contribution financière.

Il en sera de même dans l’hypothèse d’un litige opposant l’enfant, supposé majeur, à ses parents relativement au maintien du bénéfice de cette obligation d’entretien .

Le chiffrage, s’il doit être effectué, doit tenir compte du niveau social et économique de la famille. Son montant devra être mesuré aux ressources de la famille et aux capacités de l’enfant.

Dans une famille aisée, le coût d’entretien de l’enfant devra intégrer le prix de prestations correspondant à cette aisance ( cours particuliers, voyages d’études, loisirs coûteux etc…).

L’enfant majeur d’une famille aisée, poursuivant des études, sera en droit de prétendre au maintien d’une prise en charge d’un niveau élevé ( exemple : frais de scolarité dans une grande école, logement dans la ville siège de cette école, frais de séjour à l’étranger pour voyages d’études ou périodes de formation…)
Dans une famille modeste l’effort demandé aux parents sera en revanche limité, que ce soit dans la durée ou dans le montant, l’enfant d’une telle famille ne pouvant prétendre obtenir d’eux une prise en charge totale d’études longues et coûteuses, hors de proportion avec leurs facultés contributives.

L’établissement de l’enfant « par mariage ou autrement » n’entre pas dans le champ de l’obligation des parents. Par « établissement » il faut entendre une dotation en capital qui permette à l’enfant de s’installer professionnellement. C’est l’acte par lequel les parents rendent leurs enfants indépendants d’eux en prélevant irrévocablement sur leur fortune de quoi leur donner des moyens d’existence propres, une situation personnelle. Cet acte opère en réalité un transfert anticipé du patrimoine familial.
Un enfant ne peut donc exiger de ses parents le bénéfice d’une telle dotation et, si celle-ci intervient, elle relèvera du régime des libéralités.
L’obligation d’entretien s’exécute par prélèvement sur les revenus, l’établissement s’opère par prélèvement sur le capital ( une donation).
Le droit successoral reprend cette distinction en énonçant que les frais d’entretien, d’éducation, d’apprentissage n’ont pas à être rapportés à la succession pour le calcul des droits de chaque héritier, à la différence des frais d’établissement qui devront être rapportés ( de manière comptable ).

5 / les caractères de l’obligation :

-l’obligation est intransmissible à cause de mort

-les créanciers de l’enfant ne peuvent exercer ses droits par la voie de l’action oblique

-Elle a un caractère d’ordre public car il est de l’intérêt de l’Etat qu’elle soit exécutée faute de quoi il devrait se substituer aux parents défaillants.

* L’obligation est donc indisponible, ce qui signifie que le créancier ne peut, par avance, renoncer à son bénéfice, total ou partiel. Une illustration de cette caractéristique peut être trouvée dans le droit du divorce ; ainsi dans un divorce par consentement mutuel est-il interdit aux époux de convenir qu’aucune contribution ne sera versée par l’un des parents pour l’entretien des enfants communs. Cette interdiction n’empêche pas, en revanche, le constat éventuel d’une impécuniosité actuelle de l’un des deux parents faisant provisoirement obstacle au versement d’une contribution.

* L’obligation est sanctionnée de manière rigoureuse ( délit d’abandon de foyer défini comme « le fait, par le père ou la mère légitime, naturel ou adoptif, de se soustraire, sans motif légitime, à ses obligations légales au point de compromettre gravement la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de son enfant mineur », délit d’abandon de famille correspondant au non paiement d’une pension) et son exécution est favorisée par des procédures d’exécution forcée.

– L’obligation a un caractère variable ( indexation comprise) et révisable car elle doit s’adapter à l’évolution des situations personnelles des intéressés ( à la hausse comme à la baisse)..

– En présence de deux débiteurs elle représente une variété d’obligation « au tout », ce qui signifie que l’enfant peut s’adresser indifféremment à l’un ou l’autre de ses parents, ou aux deux, chacun étant « tenu pour le tout ». Le débiteur condamné au tout dispose d’une action récursoire contre l’autre parent pour obtenir le remboursement de ce qu’il a payé excédant sa part, sauf ce qui sera dit plus loin pour le cas particulier de parents divorcés.

– Enfin, alors que les obligations alimentaires proprement dites ont un caractère non capitalisable, il en est autrement pour l’obligation d’entretien, la règle « aliments ne s’arréragent pas » étant ici considérée comme « sans application ».Ainsi un juge pourra-t-il être appelé à statuer pour une période antérieure à sa saisine, mais il devra, alors, le faire en fonction des facultés respectives du créancier et du débiteur au cours de cette période tandis que pour l’avenir il devra se livrer à cette appréciation en se plaçant à la date à laquelle il statue, ce qui implique qu’il tienne compte des modifications de situation survenues entre-temps.

6 /la mise en œuvre de l’obligation :

a) mise en œuvre conventionnelle :

Elle peut être mise en œuvre par voie de convention, ce qui sera le cas si les débiteurs et le créancier conviennent du montant de la pension à verser et des modalités de ce versement. Une convention de cette nature est licite nonobstant le caractère d’ordre public de la matière. En effet la convention passée, en raison du caractère indisponible de l’obligation et de sa variabilité, pourra toujours faire l’objet d’une action en justice pour obtenir l’augmentation d’une prestation supposée insuffisante ou, au contraire, la diminution d’une pension trop élevée, notamment au regard des ressources réelles de débiteur. Le contrôle du juge se trouve ainsi réintroduit.
Par ailleurs, lorsqu’elle est soumise à homologation le juge doit vérifier que la convention préserve suffisamment l’intérêt de l’enfant.

En matière de divorce par consentement mutuel, l’insuffisance d’une contribution à l’entretien des enfants figurant dans une convention soumise à homologation peut justifier un refus d’homologation par le juge avec rejet de la demande de divorce.

b) mise en œuvre judiciaire :

Lorsque les parents, et le cas échéant l’enfant majeur, ne parviennent pas à se mettre d’accord sur les modalités et l’étendue de l’obligation, celles-ci seront fixées par le juge aux affaires familiales, à la demande de la partie la plus diligente.

Sont parties à ce procès :

– en qualité de défendeur : le ou les parents débiteurs de l’obligation ( rappel : c’est une obligation au tout qui pèse sur chacun des parents).

-en qualité de demandeur : en principe l’enfant, même mineur, car l’action est, pendant sa minorité, intentée en son nom par son représentant légal qui est généralement , aussi, son administrateur légal ( exception : un enfant en tutelle) . Dans cette hypothèse l’un des parents engage l’action au nom de l’enfant, en qualité d’administrateur légal de celui-ci, contre l’autre parent.
Après la majorité l’enfant majeur a pleine capacité et il agit en son nom propre

– Le demandeur peut aussi être le père ou la mère qui « assume à titre principal la charge d’un enfant majeur qui ne peut lui-même subvenir à ses besoins » ( article 373-2-5 du code civil). Dans ce cas de figure il demande, pour son propre compte, à l’autre parent de lui verser une contribution à l’entretien et à l’éducation de leur enfant commun majeur. L’obligation des père et mère de contribuer à proportion de leurs facultés à l’entretien et à l’éducation de leurs enfant s’analyse, en effet, non seulement en une obligation envers l’enfant, qui parvenu à la majorité peut en invoquer le bénéfice, mais aussi en une obligation entre époux divorcés ou parents naturels séparés lorsqu’un des deux exécute seul l’obligation envers l’enfant qui voit ainsi ses besoins satisfaits..

Dans le cas qui précède on observera qu’il ne s’agit pas d’une action récursoire visant au remboursement, a posteriori, de frais antérieurement exposés sur le fondement de la subrogation, mais d’une action tournée vers l’avenir puisqu’il s’agit pour le demandeur de faire condamner l’autre parent à lui verser une contribution périodique tant qu’il assumera l’entretien principal de l’enfant. Cette situation confère un avantage à l’enfant majeur en ce sens qu’il peut obtenir la totalité des versements de la part de l’un de ses deux parents sans être contraint d’agir contre l’autre. L’instance entre les deux parents se déroulera alors hors sa présence et permettra la répartition entre eux de sa charge, tout en maintenant à l’enfant un « payeur » unique ( à moins qu’il n’en soit, par exception, décidé autrement- cf le texte de l’article 373-2-5 qui prévoit que le juge peut décider, ou les parents convenir, que la contribution du parent qui n’assume pas à titre principal la charge de l’enfant majeur sera versée en tout ou partie directement entre les mains de l’enfant ).

Le montant de la dette est déterminé par le juge selon les critères prévus par l’article 371-1 du code civil qui énonce que « chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que des besoins de l’enfant » qui varient selon les milieux.

On se reportera aux développements de la note technique relative à l’obligation alimentaire pour les éléments à prendre en compte dans l’appréciation des facultés contributives de chacun ( ressources, charges de la vie courante, obligation envers d’autres créanciers alimentaires, incidence de la co-habitation avec une autre personne pourvue de revenus…). Toutefois il n’est pas sans intérêt de noter que les praticiens du droit indiquent que le contentieux des demandes de pension présentées par les enfants majeurs est actuellement en augmentation. Les avocats expliquent qu’il devient en effet difficile de négocier amiablement ce type de pension en raison de l’expansion du phénomène de recomposition des familles. La recomposition entraîne en effet pour le débiteur de nouvelles charges directes ou indirectes qui rendent difficile l’exécution de ses obligations initiales, surtout en période de crise économique.

7/ les formes de l’exécution :

l’obligation s’exécute normalement en nature. Ceci s’explique par le fait que l’enfant mineur cohabite généralement avec ses parents.

C’est en cas de séparation des parents, impliquant que l’enfant mineur habite chez l’un ou l’autre de ses parents, le cas échéant sous la forme d’une résidence alternée, que la question de la liquidation de l’obligation sous la forme d’une prestation pécuniaire se pose.

Cette liquidation sous forme pécuniaire se pose également lorsque le créancier est un enfant majeur qui dispose déjà d’une autonomie suffisante pour résider ailleurs que chez ses parents ou l’un d’eux.

En tout état de cause un juge n’a pas la possibilité d’ordonner que le défendeur remplira son obligation d’entretien en nature par l’hébergement de l’enfant indépendamment des décisions à rendre dans le contentieux de l’autorité parentale pouvant opposer des parents en litige sur la fixation de la résidence de l’enfant.

Dans le paragraphe 1 –sources de l’obligation- a été rappelée la teneur des articles 373-2-2, 373-2-3, et 373-2-4 qui prévoient des modalités particulières d’exécution de l’obligation, le versement de la pension étant alors remplacé par le bénéfice d’un droit d’usage et d’habitation ou d’un usufruit temporaire, l’affection de biens productifs de revenus, la constitution d’un capital productif d’une rente viagère…
Il s’agit d’exceptions qui ne reçoivent que peu d’applications en pratique et qui correspondent à des situations particulières, ceci expliquant cela.

8/ la durée de l’obligation :

.L’obligation demeure tant que l’enfant n’a pas acquis son autonomie.

Il en est ainsi durant sa minorité mais également après sa majorité s’il poursuit des études o s’il se trouve dans l’impossibilité de trouver un premier emploi.
L’article 371-2 rappelle que l’obligation ne cesse pas de plein droit lorsque l’enfant est majeur. Cette disposition signifie que l’accession de l’enfant à la majorité est sans effet sur cette obligation qui demeure exigible et qui ne cessera de l’être qu’une fois l’autonomie de l’enfant acquise.
La jurisprudence en a tiré comme conséquence qu’une pension continue d’être exigible tant que son débiteur n’a pas obtenu, à défaut d’accord, une décision du juge qui, constatant la cessation de l’état de besoin, le décharge de l’obligation. Il est ici rappelé que si une décision judiciaire qui ordonne la suppression d’une pension alimentaire prend normalement effet à la date où elle est rendue, rien n’interdit au juge d’ordonner que cette suppression prendra effet à une date antérieure, correspondant à celle où l’état de besoin, cause de l’obligation, a disparu.

C’est donc au débiteur de l’obligation qu’il appartient de demander au juge d’être déchargé de son obligation faute de quoi il restera tenu de l’exécuter. Demandeur à la suppression il lui appartiendra de rapporter la preuve que l’état de besoin a pris fin. Cette preuve peut être difficile à rapporter en cas de difficultés relationnelles faisant obstacle à une communication normale entre les intéressés et/ou de réticence du créancier à justifier de sa situation réelle.

Cette jurisprudence a parfois permis certains abus en cas de séparation conflictuelle entre le parent débiteur, d’une part, et d’autre part l’enfant et l’autre parent. Il est arrivé qu’une absence de communication soit mise à profit pour laisser le parent débiteur dans l’ignorance de la fin des études de l’enfant et obtenir ainsi la poursuite de versements devenus sans cause. Ce type de conflit se règle généralement a posteriori le parent débiteur ne manquant pas de demander le remboursement de ce qu’il a versé au-delà de la date retenue par le juge pour l’extinction de son obligation, voire des dommages intérêts en cas d’abus avéré.

C’est pour prévenir de tels abus que les juges assortissent souvent leurs décisions d’une obligation faite à l’enfant, ou au parent créancier, de justifier auprès du parent débiteur de la poursuite de ses études ( envoi du certificat de scolarité) voire du résultat de ses examens.

Toutefois il faut réserver le cas où la convention homologuée, ou la décision judiciaire, qui a fixé les modalités d’exécution de l’obligation aurait prévu de manière expresse un terme extinctif. On peut imaginer une convention ou un jugement prévoyant que la pension sera due jusqu’à la date prévue pour la fin normale des études de l’enfant, ou qu’elle cessera en cas d’échec aux examens ou d’incorporation sous les drapeaux. L’effet d’une telle disposition sera, dans le cas où l’état de besoin subsisterait néanmoins, d’imposer à l’enfant d’avoir à saisir le juge pour obtenir la prolongation de l’exécution de l’obligation.

9/ cas particulier : l’exécution de l’obligation d’entretien en cas de résidence alternée :

Il est parfois soutenu que l’instauration d’une résidence alternée pour l’enfant de parents séparés est exclusive de toute obligation au versement d’une contribution financière à l’entretien et à l’éducation de l’enfant car l’alternance aurait pour conséquence de faire supporter, en pratique, par l’un et l’autre parent la part lui incombant dans la prise en charge de l’enfant, c’est-à-dire la moitié du coût de son entretien et de son éducation, ou qu’à tout le moins des compensations s’effectueraient pour parvenir au même résultat.

Cette affirmation est fausse pour au moins trois motifs :

-Le premier est qu’il a été admis par la jurisprudence ( cf arrêt de la cour de cassation du 25 avril 2007 – 1ère chambre civile- ) que l’article 373-2-9 du code civil n’impose pas que le temps passé par l’enfant auprès de son père et de sa mère soit de même durée, les juges du fond pouvant, si l’intérêt de l’enfant le commande compte tenu des circonstances de l’espèce, décider d’une alternance aboutissant à un partage inégal du temps de présence de l’enfant auprès de chacun de ses parents.

-le second est que seules les dépenses quotidiennes d’entretien ( frais de nourriture, de petites fournitures etc…) sont nécessairement partagées par moitié dans le cadre d’une alternance supposée égalitaire, à la différence des autres dépenses ( santé, scolarité, vêture, loisirs etc…) qui doivent être exposées selon un rythme et des échéances qui ne se calquent pas sur l’alternance. Ainsi les frais d’inscription scolaires doivent-ils être payés en début d’année scolaire, le frais de dentisterie lors de l’envoi des factures par le praticien etc…)

-le troisième est que les textes régissant l’obligation alimentaire des parents présentent un caractère général et qu’ils ne comportent pas d’exception au titre de la résidence alternée.

Rappel de ces textes :

Article 371-2 du code civil : « chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que des besoins de l’enfant. Cette obligation ne cesse pas de plein droit lorsque l’enfant est majeur. »

Article 373-2-2 : « En cas de séparation des parents, ou entre ceux-ci et l’enfant, la contribution à son entretien et son éducation prend la forme d’une pension alimentaire versée, selon le cas, par l’un des parents à l’autre, ou à la personne à laquelle l’enfant a été confié.
Les modalités et les garanties de cette pension alimentaire sont fixées par la convention homologuée visée à l’article 373-2-7, ou, à défaut par le juge… »

Article 373-2 alinéas 3 et 4 : « Tout changement de résidence de l’un des parents, dès lors qu’il modifie les modalités d’exercice de l’autorité parentale, doit faire l’objet d’une information préalable et en temps utile de l’autre parent. En cas de désaccord le parent le plus diligent saisit le juge aux affaires matrimoniales qui statue selon ce qu’exige l’intérêt de l’enfant. Le juge répartit les frais de déplacement et ajuste en conséquence le montant de la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant ».

Applications :

Il convient, tout d’abord, d’évaluer le coût global de l’entretien et de l’éducation de l’enfant, ce coût représentant la charge que les parents devront supporter « à proportion de leurs ressources ».
Cette évaluation doit être faite « in concreto », c’est-à-dire en tenant compte de la réalité des dépenses exposées qui dépendent, pour partie, du milieu socio économique auquel appartient la famille.
Cette charge sera ensuite rapprochée du montant des ressources respectives de chacun des parents selon la formule de calcul proportionnel suivante :

Division de la charge totale par le chiffre représentant le total les ressources des deux parents = Z
Revenu du père multiplié par Z = la part proportionnelle de la charge totale lui incombant ;
Revenu de la mère multiplié par Z = la part de cette charge totale incombant à celle-ci.

Exemple : la charge de l’enfant est de 500 €/ mois, le père gagne 2500 € et la mère 1500 € soit un total des ressources respectives de 4000 €
500/ 4000 = 0,125, soit une part du père de 2500 x 0,125 =312,50€ et de la mère de 1500 x 0,125= 187,50 €
Si l’enfant à sa résidence principale fixée chez la mère, celle-ci, qui fait l’avance des 500 € chaque mois, sera créancière du père pour une pension mensuelle de 312,50 € / mois.
Dans le cas contraire le père sera créancier de la mère pour une pension de 187,50 €.

Il s’agit là d’un calcul théorique, précieux quant à l’indication qu’il fournit, mais dont le résultat pourra toutefois être corrigé, dans un sens ou dans l’autre, pour tenir compte de la situation personnelle de chaque parent lorsqu’elle commande une adaptation.
C’est précisément ce type d’adaptation que prévoient les dispositions de l’article 373-2 relatives à la répartition des frais de déplacement.
Le législateur invite le juge à les répartir en « ajustant » le montant de la pension. Cela signifie qu’il peut réduire le montant de cette pension pour tenir compte des frais supplémentaires qui sont imposés au débiteur de la pension. Il faut imaginer un éloignement de la mère, chez qui réside l’enfant à titre principal, ( exemple déménagement pour une nouvelle résidence beaucoup plus lointaine ). Le coût des déplacements exposés par le père pour l’exercice de son droit de visite et d’hébergement s’en trouve augmenté. Le juge pourra donc réduire le montant de la pension due par le père en raison de cette charge nouvelle dont il n’est pas responsable. La proportion dans laquelle cet « ajustement » sera opéré par le juge est laissée à sa prudente appréciation. En pratique elle n’interviendra que si le montant de ces frais supplémentaires obère vraiment son budget.

La loi n’impose aucune méthode de calcul et se borne à poser les principes en laissant les juges libres dans la manière d’élaborer leurs calculs.

Cependant une circulaire ministérielle du 12 avril 2010 a publié une table de référence des contributions aux frais d’éducation et d’entretien des enfants, de caractère non obligatoire mais destinée à favoriser une harmonisation des décisions rendues en la matière comme à faciliter les négociations entre parents ( et leurs conseils ) qui cherchent à fixer amiablement le montant d’une pension.

Cette table de référence a pour colonne d’entrée le montant des revenus du débiteur, colonne croisée avec d’autres colonnes visant le cas d’un enfant unique, puis de deux enfants et ainsi de suite jusqu’à six enfants. Au sein de chacune de ces colonnes il est opéré une distinction selon l’amplitude du droit de visite et d’hébergement ( réduit-classique-alternance ) exercé par le débiteur et trois chiffres sont proposés. Les revenus du créancier ne font l’objet d’aucune prise en compte apparente.

Si l’on utilise cette table de référence en reprenant l’exemple précédent on relève un montant de pension à la charge du père, dans cas où l’enfant réside chez la mère, de 275 €, et, dans le cas contraire, de 140 € à la charge de la mère ( en retenant l’hypothèse d’un droit de visite et d’hébergement « classique » dans les deux cas )
.
On observera que dans la première hypothèse ( résidence principale de l’enfant chez la mère) celle-ci , qui a fait l’avance des frais ( 500 €), n’est remboursée qu’à hauteur de 275 € en sorte qu’elle supporte en définitive 225 € là où elle devrait n’en supporter que 187,50 selon le calcul strictement proportionnel. L’application de la table avantage le père de 17,50 €.

Dans la seconde hypothèse ( résidence principale de l’enfant chez le père ) celui-ci, qui a fait l’avance des frais ( 500 €), n’est remboursé qu’à hauteur de 140 € en sorte qu’il supporte en définitive 360 € là où il devrait n’en supporter que 312,50 selon le calcul strictement proportionnel. L’application de la table avantage la mère de 47,50 €.

On peut en déduire, de manière générale, que la table a pour effet d’alléger les sommes mises à la charge des débiteurs dont les revenus se situent dans les tranches les plus modestes.

En revanche, pour les tranches les plus élevées les pensions proposées s’avèrent supérieures ; Ainsi, en conservant le même exemple, on constate, à la lecture de la table, que des pensions de 312,50 € et de 187,50 € correspondent respectivement à des débiteurs disposant de revenus de l’ordre de 2800 € et de 1850 € .
Proportionnalité dans le régime d’alternance :

Le mode de calcul proportionnel exposé plus haut trouve-t-il application en cas de résidence alternée ou doit il être modifié pour tenir compte de l’alternance ?
Une évidence s’impose : lorsque l’enfant a sa résidence principale chez l’un de ses deux parents, celui-ci est présumé supporter seul la totalité du coût de l’enfant. Le versement d’une pension par l’autre parent correspond donc au remboursement, par celui-ci, de la part de cette charge qu’il doit supporter à proportion de ses ressources ; en revanche en cas de résidence alternée ce schéma se trouve brouillé. L’alternance ( supposée égalitaire) impose, en effet, à chacun des parents d’exposer une dépense égale au titre des dépenses quotidiennes d’entretien, et rien ne permet, a priori, de déterminer comment ils assumeront le paiement des autres dépenses dont le rythme et les échéances ne coïncident pas avec l’alternance..

Il conviendrait donc de distinguer, dans le coût d’entretien de l’enfant, entre ce qui relève des dépenses « quotidiennes », dont chaque parent assume nécessairement la charge par moitié, et ce qui relève des autres dépenses dont on ne sait pas comment elles seront prises en charge.

Dans un article particulièrement intéressant publié dans la revue Actualité juridique famille d’avril 2009 –pages 162 et suivantes -sous le titre «  arrangements et conflits autour de l’entretien de l’enfant en résidence alternée » Mme Sylvie CADOLLE , maître de conférences à l’université de Paris 12, expose, en s’appuyant sur les résultats d’une enquête de terrain, que « certains pères attendent de la résidence alternée une diminution des sommes à verser à la mère » et «  que beaucoup pensent qu’une résidence alternée implique la prise en charge directe et partagée des frais exposés pour l’entretien de l’enfant et qu’elle rend donc le versement d’une pension alimentaire de l’un des parents à l’autre inutile » ;

Cet auteur fait la démonstration que « le partage des responsabilités parentales, et celui de la charge financière qui leur correspond, mettent en jeu les normes éducatives et les convictions de chaque parent quant à l’intérêt de l’enfant, mais aussi des rapports de force, négociations et compromis ».

L’article fait état de la persistance d’une insatisfaction, celle des pères en ce sens que ceux d’entre eux qui versent une pension la trouvent injuste, certains soutenant que s’ils règlent une pension ils n’ont plus à participer à des frais pour l’entretien des enfants, renvoyant la mère à les assumer, celle, symétrique, des mères qui trouvent les répartitions plus ou moins inéquitables.

La crainte du conflit chez le parent le plus faible conduirait souvent celui-ci à renoncer à engager une action en justice pour demander une pension, ou une augmentation de celle déjà fixée, voire pour demander la fin de la résidence alternée.

L’auteur indique que « la question est posée de savoir si le partage paritaire du temps et des frais est équitable entre deux parents dont les ressources sont très différentes »

Il se déduit de ces observations que la répartition de la charge des frais « non quotidiens » relève en fait de la pratique, le cas échéant variable et évolutive, observée par chaque couple, à la suite, ou au fur et à mesure, de négociations dont le résultat pourra s’avérer insatisfaisant au regard des principes posés par l’article 371-2 du code civil.

La satisfaction de ces principes ne peut intervenir tant qu’il subsiste un tel « flou » et elle n’est possible que si l’on opte, au contraire, pour l’une l’autre des modalités suivantes :
Soit l’un des deux parents assume seul le paiement de toutes les dépenses non quotidiennes comme si la résidence de l’enfant était fixée à titre principal chez lui.
Soit les dépenses non quotidiennes sont réparties selon accord entre les deux parents mais selon un mode de répartition parfaitement défini qui permette de chiffrer le montant de ces dépenses assumé respectivement par chacun d’eux.
Dans la première branche de l’option on peut dire que le parent « solvens » effectue ces paiements à titre d’avance au-delà de ce qui correspond à sa part.

En cette hypothèse le versement d’une pension par l’autre parent correspondra au schéma habituel : remboursement de la dépense à concurrence de la part de cette dépense lui incombant.

Toutefois la fixation d’une pension au moyen d’un calcul de proportionnalité effectué sur le seul montant de ces dépenses ne satisferait pas complètement aux exigences de l’article 371-2 du code civil puisqu’il exclurait des bases de calcul les dépenses quotidiennes, qui entrent dans le coût total à répartir proportionnellement et qui ont déjà été réglées, de facto, pour moitié par chacun des deux parents..

Dans le cas de l’exemple précédent, et si l’on admet que sur 500 € ( coût global d’entretien ) la moitié ( 250 € ) corresponde à des dépenses quotidiennes, dont chacun des parents a payé 125 € à l’occasion du séjour de l’enfant chez lui, on se trouvera dans la situation suivante :

-Si le père fait l’avance de toutes les dépenses « communes » ( « non quotidiennes » ) il paye chaque mois 375 € , soit 125 € de dépenses quotidiennes plus 250 € correspondant aux autres dépenses ramenées au mois. La mère, quant à elle, paye 125 € au titre des dépenses quotidiennes.
Sachant que la part proportionnelle du coût global incombant à la mère est de 187,50 €, elle devra être déclarée débitrice d’une pension de 62,50 € par mois.
On peut vérifier qu’au final le père supporte en réalité 375 – 62,50 = 312,50 € et la mère 125 + 62,50 = 187,50 , les besoins de l’enfant évalués 500 € ayant été satisfaits.

-Si la mère fait l’avance de toutes les dépenses « communes » elle paye chaque mois 375 € , soit 125 € de dépenses quotidiennes plus 250 € correspondant aux autres dépenses ramenées au mois.
Sachant que la part proportionnelle du coût global incombant au père est de 312,50 € , il devra être déclaré débiteur d’une pension de187,50 € par mois.
Vérification arithmétique : au final la mère supporte 375-187,50 = 187,50 € et le père 125+ 187,50 = 312,50 € , les besoins de l’enfant évalués 500 € ayant été satisfaits.

Dans la deuxième branche de l’option, les parents règlent chacun de leur coté une partie des dépenses non quotidiennes.

Selon quelles modalités peut-on, en ce cas, parvenir à la répartition proportionnelle conforme à la loi ?

Pour répondre à cet état de fait une pratique s’est instaurée qui tend, dans les décisions de justice, à « lister » les dépenses de cette nature en désignant, pour chacune d’elles, celui des deux parents qui la supportera. Cette pratique peut être tentante car elle permet, au travers de cette répartition, d’ajuster la charge de chacun au niveau de ses revenus et de parvenir, de facto, à une certaine proportionnalité.

Elle présente toutefois un inconvénient grave à savoir de ne permettre aucune exécution forcée directe de la décision, une « répartition »  des dépenses ne rendant pas, en cas de défaillance du débiteur désigné, l’autre parent créancier du montant de cette dépense, même sil a du se substituer au défaillant . Il reviendra à ce parent, pour être remboursé, de faire reconnaître son paiement et son droit à remboursement, cette fois chiffré, par une décision distincte.

La solution juridique préférable consiste à revenir au mode de calcul proportionnel initial qui suppose que l’on détermine d’abord le coût total de l’entretien et de l’éducation de l’enfant. Celui-ci correspond au total des frais quotidiens exposés par chacun des parents et, sur justificatifs, des frais non quotidiens exposés par chacune d’eux.
Il conviendra ensuite de calculer la part du coût total incombant à chaque parent «  à proportion de ses ressources » et de calculer le montant de la pension pour ajuster cette répartition en considération de ce dont chacun d’eux fait, en pratique, l’avance.
Pour que cette méthode soit efficace, il appartiendra aux parents de respecter, dans la durée, la répartition des dépenses non quotidiennes choisie et qui aura servi de base au calcul de la pension.

Quelles sont les informations données par la table-barème en cas de résidence alternée ?

Les commentateurs de ce barème ( qui comptaient au nombre de ceux qui l’ont élaboré cf publication la semaine juridique du 30 Août 2010 pages 1584 et suivantes) exposent ceci «  le principe voudrait qu’en cas de résidence alternée chaque parent prenne directement et définitivement en charge les frais exposés pour les enfants lorsque ceux-ci résident avec lui tandis que les autres frais communs soient( sic ) amiablement partagés ou répartis. Si cela n’est pas le cas ou que l’un des parents est dépourvu de revenus suffisants pour faire face aux frais d’éducation et d’entretien, il est possible de prévoir une pension due par l’un des parents à l’autre. En ce cas, en l’absence de « partage spontané des frais » la table recommande un montant adapté à cette situation, calculé à partir d’une proportion minorée qui tient compte des frais directement pris en charge par chaque parent. Ce montant figure sous la colonne « alterné » ».

Ces propos sonnent comme un écho aux observations contenues dans l’article de Mme S. CADOLLE et ne dissipent en rien les incertitudes constatées. Le « flou » persiste.

En tout état de cause ils interrogent ; la table aurait ainsi vocation à s’appliquer, avec les mêmes chiffres, aussi bien dans le cas où les parents ne sont pas parvenus à une répartition amiable des frais « non quotidiens », que dans celui où l’un des deux parents est dépourvu de ressources suffisantes.

Cela parait étrange en raison de la différence notable existant entre les deux types de situations.

Cette perplexité est renforcée si l’on tient compte de la manière dont le procès est engagé ( qui est le parent demandeur ? quel est l’objet de la demande de pension ?).

L’introduction d’une telle action, parce qu’elle tend à la fixation d’une pension alimentaire, suppose en effet :
-soit que le demandeur vienne soutenir qu’il n’a pas les moyens de faire face à la charge financière que représente l’enfant, bien qu’allégée par l’effet de l’alternance ;
-soit qu’il vienne soutenir qu’il supporte en pratique le paiement de toutes les dépenses « non quotidiennes », ou à tout le moins une fraction de celles-ci excédant celle qu’il doit assumer , alors que l’autre parent se refuse à contribuer à ces paiements bien qu’il en ait la possibilité.

L’application de la table conduit à une réponse unique ce qui est parfaitement insatisfaisant.

En reprenant notre exemple et en se reportant à la table :

-si la demande est introduite par le père, la pension susceptible d’être mise à la charge de la mère est de 94 €

-si la demande est introduite par la mère la pension susceptible d’être mise à la charge du père est de 184 €
Il est intéressant de rapprocher ces deux chiffres de ceux obtenus par le calcul de proportionnalité ( cf supra) soit 62,50 € de pension à la charge de la mère au profit d’un père faisant l’avance de toutes les dépenses « non quotidiennes », et 187,50 € de pension à la charge du père au profit d’une mère faisant l’avance de toutes les dépenses « non quotidiennes ».

On observera que ces chiffres ne sont pas trop éloignés les uns des autres même s’ils procurent un avantage au débiteur dans le cas où la table est retenue.
Toutefois le point important est que cette relative adéquation ne vaut que dans la mesure où le demandeur à l’action ( créancier de la pension) fait l’avance de tous les frais « non quotidiens ».

Si tel n’est pas le cas les chiffres proposés par la table perdent toute pertinence et le J.A.F. se trouvera placé dans l’obligation de tenir compte de la répartition de ces frais acceptée par les parents pour calculer un montant de pension qui rétablisse la proportionnalité recherchée, mais sans pouvoir, par sa décision, pallier les conséquences d’une éventuelle défaillance de l’un des parents dans la prise en charge de celles des dépenses « non quotidiennes » qui lui incombaient.

En revanche si nous reprenons notre exemple mais en le modifiant en ce sens que les revenus de la mère soient limités à 700 € ( le reste demeurant inchangé) on constate :

-que la répartition proportionnelle donne ( cf formule) : besoins de l’enfant 500 €, ressources totales des parents ( 700 + 2500 = ) 3200 €, 500/3200 =0,15625 , part du père 2500 x 0,15625 =390,62 €, part de la mère 700 x 0,15625 = 109,37 €.

-que si le père est demandeur, la pension susceptible d’être mise à la charge de la mère selon la table est de 22 €. En supposant qu’il assume la totalité des frais « non quotidiens », la répartition proportionnelle de la charge totale fixerait la part de la mère à 109 € somme inférieure à celle qu’elle expose déjà, à savoir 125 € de frais quotidiens, et qui serait alors majorée de 22 € de pension pour atteindre un total de147 € .

A notre sens, le JAF saisi devrait, en cette hypothèse, rejeter purement et simplement la demande du père au motif que les 125 € dépensés par la mère excèdent la fraction du coût total d’entretien de l’enfant lui incombant et qu’on ne peut, sur le fondement de l’article 371-2 du code civil, la condamner à verser une pension. On voit que la table n’offre ici aucun renseignement pertinent.
-que si la mère est demanderesse, la pension susceptible d’être mise à la charge du père selon la table est de 184 € .En raison de la faiblesse des revenus de la mère il faut toujours supposer que le père assume la totalité des frais « non quotidiens ». La répartition proportionnelle de la charge totale fixant la part de celui-ci à 391 €, il supporterait en définitive 125 + 250 + 184 = 550 €, chiffre qui excède celui de 500 € auquel les besoins globaux de l’enfant ( à répartir ) ont été évalués.
A notre sens, le JAF saisi ne pourrait faire droit à la demande qu’à concurrence de la différence entre la part incombant au père dans une répartition du coût total de l’enfant et ce qu’il expose en réalité soit 391 – 375 = 16 €. ( vérification : 125 + 250 + 16 + 109 = 500 ) On voit encore que dans ce cas la table n’offre aucun renseignement pertinent.

On peut donc sérieusement douter de la possibilité d’appliquer cette table-barème en matière de résidence alternée.

D’une manière plus générale, seule une étude future, à effectuer à partir des décisions dans lesquelles cette table aura servi de référence, permettra de vérifier la pertinence des chiffres qu’elle propose et de savoir si elle constitue, véritablement, un outil d’aide à la décision.

Mai 2012

Jean Louis ROUDIL
Président de chambre honoraire à la cour d’appel de Nîmes