MEMENTO, HOMO, QUIA PULVIS ES, ET IN PULVEREM REVERTERIS

( souviens toi que tu es poussière…livre de la genèse 3 – 19 )

La présente note a pour objet d’apporter un éclairage sur les difficultés qui peuvent surgir en matière d’organisation des funérailles d’une personne.

Au termes de la législation en vigueur il appartient à toute personne de régler les conditions de ses funérailles futures ( loi du 15 novembre 1887 ).

La personne qui entend procéder à ce règlement peut le faire par voie testamentaire, par un acte notarié ou sous seing privé, par souscription d’un contrat d’obsèques prévoyant les modalités de ces dernières, ou tout autre moyen permettant de vérifier la réalité et la teneur de sa volonté.

Les proches du défunt et les tiers sont tenus de respecter la volonté qu’il a exprimée.

Une loi du 16 décembre 1996 a modifié la loi de 1887 en insérant dans le code pénal un nouvel article ainsi rédigé : «  toute personne qui donne aux funérailles un caractère contraire à la volonté du défunt ou à une décision judiciaire, volonté ou décision dont elle a connaissance, sera punie de six mois d’emprisonnement et de 50.000 frs d’amende ».

En revanche, en l’absence de volontés déclarées, ou sur tous les points pour lesquels le défunt n’a pas exprimé ses intentions posthumes, c’est à ses poches qu’il appartient, par interprétation présumée de sa volonté, de régler ses obsèques et sa sépulture.

En cas de difficulté il revient au juge non d’en fixer lui même les modalités mais de rechercher celui qui, d’après son intimité avec le défunt, a pu recevoir ses confidences et se trouve le mieux à même d’interpréter les volontés de celui-ci. Le juge le désigne alors comme celui qui aura qualité pour pourvoir aux funérailles.

Il est en effet important de souligner qu’une personne conserve la possibilité de modifier à tout moment ses volontés posthumes, même tardivement, et qu’elle peut le faire sans forme particulière et notamment sans avoir à reprendre les formes dans lesquelles elles avait pu exprimer antérieurement ses volontés.

On voit donc la difficulté : les proches d’un défunt peuvent entrer en conflit quant aux modalités d’obsèques et de sépulture à mettre en œuvre, les uns se référant à des volontés exprimées à un moment donné tandis que les autres viennent soutenir que le défunt avait modifié ces dernières et opté pour d’autres modalités.

Ces modalités concernent aussi bien la forme des obsèques ( civiles, religieuses…) que le choix entre inhumation ou crémation, ou encore le lieu de la sépulture.

Lorsque les volontés du de cujus ont été exprimées dans un acte récent et formel, non explicitement révoqué, les proches du défunt qui revendiquent la qualité pour pourvoir à ses funérailles selon ces modalités auront toutes les chances d’être désignés pour ce faire et il sera difficile, pour d’autres, de contester ce choix.

En revanche lorsqu’il s’agit d’actes ou de documents plus anciens et que la vie de la personne concernée a connu, depuis leur rédaction, des changements notables il sera plus facile de venir soutenir que les volontés initiales qu’elles expriment sont devenues caduques et que cette personne en a exprimé de nouvelles pouvant justifier la désignation d’un autre représentant.

Les changements notables qui sont à l’origine de ces litiges sont, le plus souvent, relatifs à la vie personnelle de la personne : séparation d’avec son conjoint, divorce, éloignement, reprise d’une vie commune avec un nouveau compagnon ou une nouvelle compagne, remariage, survenance d’une nouvelle descendance, conversion religieuse ou au contraire apostasie…

Les litiges se manifestent, bien entendu, dès le décès et opposent généralement deux lignes de personnes se revendiquant comme proches du défunt..

Les funérailles étant généralement organisées par les plus proches lors du décès, ceux ci peuvent donc se trouver confrontés à une contestation émanant d’autres membres de la famille du défunt.

Dans la pratique c’est la partie opposante qui prend l’initiative de déclarer son opposition au maire de la commune sur le territoire de laquelle les obsèques et/ou la sépulture doivent intervenir, opposition au vu de laquelle ce maire ordonne une suspension des funérailles jusqu’à ce que le juge tranche le litige.

Le juge compétent pour trancher est le juge d’instance du lieu du décès ; Il est saisi en urgence, soit par voie d’assignation soit par déclaration au greffe par la partie la plus diligente; Il statue dans les 24 heures de sa saisine suivant une procédure sans forme ni représentation par avocat obligatoire ( les parties peuvent donc présenter elles-mêmes leur argumentation ).

La décision rendue peut être frappée d’appel. Cet appel est examiné par le premier président de la cour d’appel ( ou son délégataire ) selon la même procédure simplifiée ; Il statue « immédiatement » c’est à dire sans délai autre que celui nécessaire pour la comparution des parties devant lui.

En imaginant une contestation élevée sur des modalités d’obsèques suspendues un lundi , il est donc possible d’obtenir une décision du juge d’instance le mardi et une décision d’appel le mercredi ( il est difficile de faire plus rapide…).

La décision rendue est notifiée au maire concerné.

Ce que je viens de décrire s’est quelque peu compliqué en raison de la souscription de contrats d’obsèques passés de leur vivant par nombre de personnes lorsque ces contrats, outre le versement d’un capital au bénéficiaire désigné, énoncent des prestations matérielles que l’opérateur de pompes funèbres s’oblige à exécuter ( fourniture du cercueil, mise en bière, inhumation ou crémation etc…).

En pratique ces contrats sont intitulés « testament-obsèques », ils sont signés par un groupement économique comprenant l’opérateur de pompes funèbres, l’assureur et un organisme ( souvent de forme prétendument « associative ») et peuvent comporter un mandat donné par le souscripteur individuel à cet organisme pour mettre en œuvre le contrat au moment du décès.

Ces « associations », qui sont une émanation des opérateurs de pompes funèbres, interviennent parfois en cas de litige porté devant le juge d’instance pour se prétendre seules dépositaires des volontés du défunt et obtenir la désignation, à défaut d’elles mêmes, d’un proche revendiquant l’organisation d’obsèques selon les modalités du contrat.

L’enjeu prend alors un caractère économique car l’organisation des obsèques selon d’autres modalités est de nature à rendre le contrat caduc pour la partie « prestations » et à priver de cause le versement par l’assureur à l’opérateur des sommes prévues pour rémunérer ces prestations ;

La question posée est alors de savoir si l’intervention de ce type d’organisme devant le juge est ou non recevable.

Cette intervention, si elle est faite à titre principal c’est à dire en tant que mandataire du défunt et détenteur des volontés posthumes de ce dernier, doit me semble-t-il être déclarée irrecevable car l’admettre reviendrait à faire primer le contrat sur toute autre considération et, indirectement, à faire obstacle à toute modification apportée postérieurement par le de cujus à ses volontés. Or la liberté de les modifier est absolue.

Cette intervention doit, en revanche, être déclarée recevable si elle est faite à titre accessoire, c’est à dire en soutien d’un proche venant dire au juge que les volontés exprimées dans le contrat sont restées celles du défunt et que la prétention d’un autre à être désigné pour pourvoir aux funérailles selon d’autres modalités n’est pas fondée.

Il importe enfin de signaler :
-qu’une loi du 19. 12. 2008 a prévu la création d’un fichier national des contrats d’obsèques et que le législateur a décidé que celui ayant qualité pour pourvoir aux funérailles d’une personne peut obtenir, sur présentation de la facture des obsèques, le débit des comptes de paiement du défunt pour une somme correspondante ( toutefois plafonnée à 5000 €)
-qu’une loi du 26. 07. 2013 a prévu que les contrats-obsèques doivent obligatoirement mentionner la possibilité pour le souscripteur de modifier à tout moment certaines des prestations prévues ( exemple : nature des obsèques, mode de sépulture …), de changer d’opérateur funéraire, de bénéficiaire du capital…

Je ne dispose pas de statistiques permettant de connaître le nombre de litiges soumis au juge d’instance en cette matière et je pense, d’ailleurs, que cette statistique n’existe pas.

D’expérience, au stade d’une cour d’appel, je puis dire que la saisine du premier président n’excédait pas un dossier par périodes d’une à deux années.

Vous trouverez en annexe des illustrations tirées de litiges réels dont j’ai « anonymisé » les parties ( voir annexes )

Pour finir je dirai un mot de la loi du 19 décembre 2008 en ses dispositions relatives à la destination des cendres d’un défunt après crémation.

Cette loi a créé un article 16-1-1 du code civil ainsi rédigé : « le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort. Les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traités avec respect, dignité et décence ».

La destination des cendres est décrite de façon rigide par l’article L 2223-18-1 du code général des collectivités territoriales.

Cet article prévoit que les cendres sont conservées « en leur totalité » dans une urne cinéraire ou dispersées.

Il en résulte que la pratique antérieure du « partage des cendres » entre plusieurs urnes est désormais condamnée.

Il en est de même pour la conservation de l’urne dans un domicile.

Depuis ce texte les cendres «  peuvent être conservées dans l’urne cinéraire qui peut être inhumée dans une sépulture ou déposée dans une case de columbarium ou scellée sur un monument funéraire à l’intérieur du cimetière ou d’un site cinéraire » ; elles peuvent aussi être « dispersées dans l’espace aménagé à cet effet d’un cimetière ou d’un site cinéraire » ; elles peuvent enfin être dispersées « en pleine nature, sauf les voies publiques ». Le texte prévoit encore qu’en cas «  de dispersion des cendres en pleine nature, la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles en fait la déclaration à la mairie de la commune du  lieu de naissance du défunt. L’identité du défunt ainsi que la date et le lieu de dispersion des cendres sont inscrits sur un registres créé à cet effet ».

Il est à remarquer qu’un délai plus ou moins long peut s’écouler entre la crémation et le dépôt des cendres ( inhumation, dispersion dans un site cinéraire…) ou leur éventuelle dispersion en pleine nature. On peut donc imaginer qu’un litige survienne alors entre membres de la famille du défunt quant à la destination de ces cendres. Quel est alors le juge compétent pour le trancher ?

J’ignore si cette question a déjà été soumise à nos tribunaux ;

La décision à prendre ne présentant plus aucune caractère d’urgence et ne relevant plus de l’organisation des obsèques, par définition déjà opérées, je pense qu’un litige de cette nature relève du droit commun c’est à dire de la compétence du tribunal de grande Instance.

C’est d’ailleurs à cette juridiction que ressortissent les litiges qui concernent le sort des concessions funéraires, les demandes de transfert d’un corps d’un cimetière à une autre…etc.

Cet exposé étant dépourvu de plan il est difficile de lui donner une conclusion.

Toutefois ces développements m’ont conduit à faire un rapprochement avec la question de la fin de vie et ce qu’il est devenu habituel d’appeler «  l’affaire Vincent Lambert ».

Nous savons que ce dernier n’avait pas formulé de manière expresse et formelle de directives pour le cas où il se trouverait dans un état pauci-relationnel et que ses parents sont en conflit aigu avec son épouse qui soutient qu’il avait exprimé verbalement son refus de tout «  acharnement thérapeutique ».

La décision d’arrêt des soins de survie prise par le médecin traitant en exécution de la loi Claeys Leonetti fait toujours l’objet d’un important contentieux ( la cour de cassation doit statuer vendredi 28 juin 2019 en assemblée plénière sur le pourvoi en cassation formé par l’état contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris ayant ordonné récemment la reprise et le maintien des soins ).

J’ai critiqué cette « judiciarisation » de la question, sans toutefois formuler de proposition de modification des textes qui pourrait l’éviter.

La présente note m’en suggère une : ne pourrait-on imaginer qu’en l’absence de directives anticipées ( ce qui sera malheureusement souvent le cas ) la loi charge un juge de la désignation, selon une procédure simplifiée inspirée de celle décrite plus haut, d’une personne de l’entourage du sujet dont le rôle sera de suppléer cette absence de directives en fonction des confidences reçues de ce dernier ou par interprétariat de sa volonté présumée ?

le 26 juin 2019 J L ROUDIL magistrat honoraire.

Voir annexes ci après.

Annexe 1 :

Mr Mohamed X étant décédé d’une crise cardiaque à l’âge de 44 ans un litige a opposé ses proches quant aux modalités de ses funérailles ;
Son épouse actuelle, les enfants de son premier mariage et cinq voisins ont signé des attestations précisant que Mohamed X avait fait part de son intention d’être incinéré.
Son père et ses cinq frères et sœurs se sont opposés à cette incinération motif pris de son appartenance à la religion musulmane qui exige l’inhumation des corps, et ils ont revendiqué la possibilité de faire transporter le corps en Algérie pour y être enterré.
Le litige a été soumis au juge d’instance.
Devant ce juge ces derniers ont soutenu que Mohamed X n’avait jamais renié sa religion et produit une attestation du grand mufti de Marseille détaillant interdits et exigences de la confession musulmane en matière de funérailles, ainsi que l’obligation pour un musulman voulant renier sa confession de le faire par une déclaration publique ( inexistante en l’espèce ).
L ‘épouse a, de son coté, fait valoir que son mari se faisait prénommer Maurice et qu’il ne respectait plus les préceptes de sa religion d’origine ( consommation de viandes non hallal et de charcuteries, absorption de boissons alcoolisées – attestée par une condamnation pour conduite d’un véhicule sous l’emprise d’un état alcoolique- ).
Pour forger son opinion le juge a entendu, contradictoirement, la dernière fille de Mohamed X et lui a fait décrire ses habitudes de vie etc…Cette jeune fille, de confession catholique, a déclaré que son père s’était effectivement éloigné des obligations de la religion musulmane.
A l’issue de ces débats le juge a décidé que l’épouse actuelle était, par sa proximité de vie avec le de cujus, la mieux placée pour recueillir ses confidences pendant les derniers moments de sa vie, de sorte qu’elle devait être désignée pour organiser ses obsèques.
Cette décision a été frappée d’appel mais confirmée par le premier président.
Le corps de Mr Mohamed X a donc été incinéré sur les instructions données par son épouse.

Un point du récit qui précède mérite une attention particulière : il s’agit de l’argumentation du père du défunt en ce qu’elle a pour postulat implicite que la religion serait un des éléments constitutifs de l’état (juridique ) d’une personne de confession musulmane de sorte que celle-ci ne pourrait en disposer et que ses préceptes s’imposeraient à tous par application du principe de l’indisponibilité de l’état des personnes.
Ni la décision du juge d’instance, ni celle du premier Premier président, ne discutent cette question car elle ne leur avait pas été posée directement. Cependant ils l’ont tranchée de manière implicite et négativement.
Dans une autre instance jugée plus récemment à Limoges la question a en revanche été posée directement aux juges suite au décès d’un ressortissant marocain par la personne qui demandait à être désignée pour pourvoir à ses obsèques dans le respect des règles religieuses musulmanes alors que le reste de la famille entendait faire procéder à l’incinération du corps et à des obsèques selon le rite catholique.
Cette partie a, en effet, conclu à l’application de la convention internationale franco-Marocaine du 10.08.1981 relative au statut des personnes et de la famille qui prévoit que dans tous les cas intéressant l’état des personnes la loi applicable par les juges de l’un et l’autre pays sera la loi personnelle de l’intéressé. Le défunt étant marocain, à savoir ressortissant d’un royaume dans lequel la religion musulmane est religion d’état ( le roi du Maroc est, ne l’oublions pas, également commandeur des croyants ), il était donc soutenu que le juge Français se trouvait tenu de statuer en appliquant la loi personnelle du défunt, soit la loi marocaine.

Cette demande a été rejetée et le litige jugé par application de la loi française de 1887, le juge d’instance et le premier président, sur appel, ayant considéré que la religion n’était pas un élément de l’état d’une personne ( laïcité oblige ! ).
Le pourvoi en cassation formé contre cette décision a été rejeté par la cour de cassation qui a énoncé, d’une part, que la loi de 1887 était une loi de police appelée à régir tous les décès survenus en France et, d’autre part, que l’appartenance religieuse d’une personne ne relevait de l’état des personnes mais du régime des libertés individuelles.
Cet arrêt de la cour de cassation, qui porte les références 1ère chambre civile 19.09. 2018 n° 18-19 693 F-P+B+I, est accessible sur le site internet de la cour de cassation ( jurisprudence de la première chambre )

Annexe 2

Mme F., née en 1954, est décédée début novembre 1995. Mariée avec Mr C. elle était séparée de ce dernier depuis plusieurs années. Ce dernier venait d’engager une procédure de divorce et une audience de conciliation devant le JAF était fixée dans les derniers jours de novembre. Le décès est intervenu au cours d’un épisode dépressif causé par l’ouverture de cette procédure ;
L’incinération projetée du corps de Mme F. n’a pas fait l’objet d’une contestation, mais celle-ci a porté sur le lieu d’inhumation des cendres.
Mr C. a exprimé sa volonté de les faire placer dans le caveau de sa famille à La Ciotat.
Les autres membres de la famille ( à savoir le frère de Mme F., son père et son demi frère né d’une seconde union de son père ) se sont opposés à ce projet en revendiquent leur inhumation dans leur caveau familial de La Valette.
Mr C. soutenait, selon lui avec les deux enfants mineurs ( Alice et jérôme ) qu’il avait eus avec Mme F., que cette dernière lui avait conservé toute son affection malgré la séparation.
Mme F. n’ayant pas exprimé de volontés quant à sa sépulture le juge d’instance a décidé « qu’en raison de la mésintelligence entre les deux familles et en considération du seul intérêt des enfants Alice et jérôme C., et afin de leur éviter des scènes pénibles risquant d’accentuer à leur égard des perturbations d’ordre psychologiques irréversibles, il ( convenait) d’attribuer à Mme R., leur tante paternelle et marraine, le soin de fixer le mode et le lieu des funérailles de Mme F. qui, en raison des circonstances était la mieux placée pour recueillir leurs confidences ».

Cette décision a été frappée d’appel.

La famille naturelle de Mme F. a soutenu devant le premier président qu’ils étaient les mieux placés pour connaître les souhaits de la défunte, à savoir être inhumée à la Valette ville dont la famille est originaire, et dans laquelle elle était domiciliée et vivait avec ses deux enfants mineurs. Pour eux la démarche de Mr C. visait seulement à occulter l’abandon moral dans lequel il avait laissé son épouse et aboutirait à une résultat choquant à savoir que Mme F. soit inhumée dans un caveau dans lequel Mr C. pourra se faire enterrer ultérieurement ainsi éventuellement que la nouvelle femme avec laquelle il vivait ( étaient ainsi produits un constat d’adultère et la requête en divorce ).

Le premier président a noté :
-que Mme F. n’avait pas exprimé de volontés personnelles fermes mais seulement donné une indication sur une éventuelle inhumation à La Valette
-que du fait des circonstances du conflit familial Mr C. et sa sœur Mme R. ( qui n’exprimait en réalité que les souhaits des enfants mineurs ) n’étaient pas les mieux à mêmes pour organiser les funérailles.
-que le souhait des enfants, pour légitime et respectable qu’il soit, n’était pas un critère juridique à retenir rien ne permettant d’affirmer qu’il coïnciderait avec la volonté de leur mère.
-que les membres de sa famille naturelle étaient ici mieux à même d’exécuter la volonté présumée de la défunte.
-qu’il importait cependant de noter Mme F. restait attachée à l’expression de son appartenance à la famille C.

Il a en conséquence infirmé la décision du juge d’instance et a confié au frère de la défunte le soin d’organiser les obsèques avec dépôt de l’urne dans le caveau familial de la Valette et obligation d’obtenir l’accord de la famille pour faire inscrire sur ce caveau le nom de « Mme F… épouse C » pour laisser la trace de l’attachement à sa belle famille qu’elle avait conservé.

Annexe 3

Mr P. , né en 1931 de nationalité italienne mais résident en France dans le Var, est décédé en 2001 dans une clinique locale à « la suite d’un enchaînement de faits accidentels susceptibles d’engager la responsabilité civile et pénal de plusieurs personnes. »
Son épouse, dont il était séparé depuis plus de 12 ans, et ses deux filles se sont présentées peu après le décès pour faire rapatrier le corps en Italie alors que la concubine de Mr P. entendait faire procéder à son incinération conformément aux volontés exprimées par le défunt dans un contrat d’obsèques souscrit en 1999.
Le litige a été porté devant le juge d’instance et l’association « Colombe » mandataire désigné dans le contrat d’obsèques est intervenue dans l’instance.
L’épouse a demandé à être chargée d’organiser les obsèques de son mari et s’est heurtée à l’association « Colombe » qui se prétendait titulaire d’un mandat donné par Mr P. pour veiller à l’exécution des dispositions prises par lui lors de la souscription du contrat-obsèques ;
La concubine de Mr P. n’a pas, de son coté, demandé à être désignée pour organiser les funérailles. Elle a indiqué au juge que la volonté de Mr P. d’être incinéré, avec dispersion de ses cendres dans le « jardin du souvenir» du cimetière local décrivait en réalité sa préoccupation de ne causer aucun souci à quiconque, de n’imposer aucune démarche, ni aucune charge à sa famille ou à elle même, de sorte qu’elle ne s’opposait pas aux souhaits exprimés par la veuve et les enfants du  défunt.

Le juge a relevé :
-que les personnes ayant intérêt à agir pour appliquer la loi du 15 novembre 1887 sont les proches du défunt, ses familiers tels que conjoint, enfants, père, mère, parents éloignés, légataires, amis, concubin ou concubine, à raison des liens familiaux ou d’affection existant entre eux.
-qu’une association comme l’association « Colombe » intermédiaire entre le défunt et les opérateurs de pompes funèbres parties au contrat n’est pas un « proche » du défunt au sens de la loi.
-que le contrat signé, malgré sa précision, ne faisait que présumer de la volonté du défunt et que sa volonté réelle pouvait être établie autrement.
-qu’en l’espèce le contrat ne comportait aucun mandat exprès et correspondait seulement à la préoccupation de Mr P. de décharger sa concubine et sa famille des soucis matériels et financiers liés à ses funérailles
-que parallèlement Mr P. disait à ses amis et à ses proches que son désir profond était de retourner finir ses jours en Italie et d’y être enterré.
-que la présomption résultant du contrat n’était pas suffisante en l’espèce pour combattre les présomptions contraires résultant des attestations produites.

Le juge a en conséquence déclaré irrecevable l’intervention de l’association Colombe et désigné l’épouse ( et veuve ) de Mr P. pour organiser ses funérailles.

L’association Colombe a relevé appel de ce jugement et demandé au premier président d’être désignée pour faire procéder aux obsèques de Mr P. en qualité de mandataire désigné par le contrat obsèques ;

Le premier président a rejeté cet appel en déclarant l’intervention de l’association irrecevable en tant qu’elle avait le caractère d’une intervention formée à titre principal.

Le premier président a notamment relevé que le contrat obsèques ne comportait pas de mandat spécial signé par Mr P. et désignant cette association pour organiser ses obsèques. Il a également dit que l’existence d’un tel mandat ne pouvait se déduire du seul objet social de l’association ( « elle s’assure le jour venu du respect desdites volontés essentielles de l’adhérent » ) et de l’adhésion de Mr P. aux conditions générales du contrat, alors surtout que ce dernier maîtrisait mal la langue française.

Il a rappelé « que l’expression par une personne de ses volontés dans un acte sous seing privé ne la prive pas de la possibilité de les révoquer et que cette révocation peut être tacite et résulter du constat d’un ensemble de circonstances précises et concordantes permettant, par exemple, de vérifier que le de cujus avait, en réalité, modifié ses intentions » ce qui était le cas en l’espèce.

Ce magistrat a également relevé que l’intervention de l’association Colombe aurait pu être déclarée recevable si elle avait été faite à titre accessoire, c’est à dire pour soutenir la demande d’un proche du défunt, ce qui n’était précisément pas le cas puisque ni la veuve de Mr P., ni la concubine de ce dernier, ne demandaient que ses obsèques se déroulent selon les prévisions du contrat ;

Compte tenu du caractère particulier du cas ( procédure pénale en cours ) le premier président a subordonné l’exécution de sa décision à la fin de l’enquête pénale.

Il convient ici de signaler qu’on ne peut exclure qu’une « association » du type précédent vienne un jour se prévaloir d’un mandat particulier signé par le souscripteur d’un contrat-obsèques et la chargeant de manière expresse à veiller à l’exécution des volontés qu’il a exprimées dans ce contrat.

En pareille hypothèse il appartiendra au juge saisi de dire si la liste des personnes susceptibles d’être chargées de pourvoir aux obsèques d’un défunt est limitative ou, au contraire, si elle peut s’étendre à une personne morale mandataire.

En cas d’extension il reviendra toutefois au juge de vérifier que les volontés exprimées dans le contrat n’ont pas été modifiées depuis sa signature, même tacitement, car leur modification impliquerait la désignation d’une autre personne que cette association.

La question reste donc en suspens et n’a, à ma connaissance, pas donné lieu à une décision de justice.